25 février 2006

La sauvegarde des fruitiers régionaux


Photo Colette MacIntos

Jean-Pierre Bluteau ne compte pas les kilomètres pour récupérer des greffons, comme ici, ceux d'un pommier Sainte-Germaine

« Il y a des rigolos comme celui qui me dit : "Farceur, j'ai un cerisier formidable, il faut couper la cerise en quatre pour la manger !"; c'était simplement des burlats alors que nous savons qu'il existait réellement des grosses cerises », s'esclaffe Jean-Pierre Bluteau tout en se dirigeant d'un pas décidé vers un pommier où, connaissant le verger, il sait qu'il va pouvoir prélever des greffons de Sainte-Germaine. « On tient beaucoup à cette variété », dit-il avec gourmandise, parlant de cette pomme répertoriée et appréciée depuis quatre siècles, croquante, juteuse, sucrée tout en gardant un goût un peu acidulé.

Le président de l'association Mémoire fruitière des Charentes (1) est intarissable dès qu'il s'agit de son domaine de prédilection, l'inépuisable puits de fruits existant ou ayant existé. « Après la guerre, nos "instruits" ont sélectionné une cinquantaine de variétés et ils ont voulu oublier les autres », fulmine ce passionné des vergers. A la tête de l'association née en 1999 depuis la disparition de son fondateur Patrick Parade, il est capable d'énumérer un nombre incalculable de fruits en vantant leurs qualités. Certains, pour ne parler que des pommes, restent inconnus de consommateurs se précipitant sur les plus courantes en ignorant superbement la clochard, où la rainette de Saintonge dont le goût s'affine au fil des mois, pomme de garde relayée en juin par la saint-jean qui, elle, ne se conserve pas, mais est un délice de goût et parfum durant trois semaines... « Après, elle devient une éponge; si on fait bien un verger, on peut avoir des pommes toute l'année de sa propre récolte », résume l'amateur de fruits. Plus de 2 000 arbres.

Forte de quelque 180 adhérents des deux Charentes et de Gironde, l'association veut justement sortir de l'oubli ces variétés ; et l'un des moyens employés, outre la participation à des salons comme la Fête de la nature à Clion ou les Gastronomades à Angoulême, est l'organisation depuis sept ans des Journées de greffages où tout un chacun peut se procurer des greffons d'espèces non commercialisées. De 500 la première année, Mémoire fruitière des Charentes en est maintenant à plus de 2 000 arbres proposés au public durant les deux week-ends (2). Ils seront une vingtaine de bénévoles greffant devant les amateurs quelque 500 espèces de pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers... La personne repart ensuite avec l'arbre de son choix, en racine nue; il est possible aussi de venir avec ses propres greffons. « Le porte-greffe est bien raciné, l'idéal est ensuite de le mettre dans un pot et de le planter en pleine terre en novembre », conseille le président. « On suppose avoir dépassé les 10 000 greffes anciennes; pour un profane, créer un verger peut prendre une décennie, voire deux; avec nous, ça va beaucoup plus vite ; au cours de nos pérégrinations, on trouve plein de choses.

Pendant les Journées de greffage, il suffit de se présenter à l'accueil, de donner le nom de la variété que l'on désire, la qualité du terrain... nous montrons comment greffer et donnons des conseils », poursuit Jean-Pierre Bluteau. La méthode pratiquée par l'association est dénommée « greffage à l'anglaise compliqué », elle était employée avant guerre pour la vigne. Durant les Journées, les visiteurs pourront en outre découvrir différents fruits exposés, acquérir des produits de traitements biologiques... S'ils ne sont pas adeptes, comme Jean-Pierre Bluteau en arboriculteur éclairé et d'expérience de moyens encore plus naturels.

(1) Mémoire fruitière des Charentes, siège social au château de Barbezieux (16 300). Adresse postale : le moulin d'Ager, 16 300 Saint-Palais-du-Né, tél. 05.45.78.70.36.

(2) Journées de greffages d'anciennes variétés d'arbres fruitiers, les 25 et 26 février au lycée agricole Saint-Antoine, à Bois (près de Saint-Genis-de-Saintonge), de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures, et les 11 et 13 mars, salle Plaisance à Barbezieux (Charente).

Source : Colette MacIntos - Journal Sud Ouest 23/02/2006

Comme quoi il y a vraiment des gens formidables !

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